Ces époques qui produisaient de la beauté en abondance

(...) Il m’est déjà assez douloureux de voir disparaître la France, voir submerger et achever la Russie me serait insupportable.

Au regard de tout cela, les périodes antérieures m’apparaissent comme des paradis perdus quelles qu’aient pu être leur dureté et leur insécurité, car nous avions du moins la consolation de nos communautés, de nos liens culturels et affectifs, de notre passé et de notre présent commun,  de notre foi, de nos épopées et de nos chansons, et le meilleur signe que ces époques étaient préférables, c’est qu’elles produisaient de la beauté en abondance, elles baignaient dans la beauté, alors que la nôtre sombre dans la hideur et la cacophonie, dans l’infamie totale et totalitaire.

C’est bien d’ailleurs cette solidarité, cette communion qui unissait nos entités nationales de façon verticale, à travers l’héritage multiséculaire de nos ancêtres, et horizontale, entre ceux qui partagent cet héritage et qui communiquent à travers lui, qu’il fallait détruire pour nous livrer, dans une tyrannie sans précédent, à une déchéance sans précédent, au sein de laquelle le salut personnel deviendra presque impossible. Alors reviendra le Roi, le seul que nous puissions encore espérer, celui de la Jérusalem céleste…

La révolution  de 1789 a défrancisé la France, celle de 1917 a tenté de dérussifier la Russie. Car s’attaquer à la paysannerie, aux cosaques et aux orthodoxes après avoir assassiné le tsar et sa famille d’une manière ignoble, c’était bien dérussifier le pays. La Russie, c’était la paysannerie, l’Orthodoxie et une puissante culture populaire à laquelle on a tenté de substituer la « culture de kolkhose ».

(...) Le tableau d’une société homogène, pareille à une immense famille, dont le roi, quel qu’il soit, est le centre, le père, et qui est en route pour son salut à travers quelquefois de graves péchés, mais aussi de sublimes sacrifices, une foule de pécheurs tendus vers le Ciel, de pécheurs vivants et morts, solidaires, avec tout leur attirail d’églises, de chants, d’épopées, d’icônes, de croix et de bannières,une longue et séculaire procession de Russes de tous milieux, titubant, chutant, se relevant, se poussant et se tirant les uns les autres, vers le jour du jugement...

Procession religieuse dans la province de Koursk - Ilia Répine (1883).

(...) Parfois, les souvenirs de cette jolie et douce France, de mes tantes et de ma mère ravissantes, de cette maison de l'Armençon, qui me paraissait mystérieuse et poétique, et même parfois un peu effrayante, me font monter les larmes aux yeux.
Laurence

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